MANIFESTATIONS

Le Kilo - 1


lecture d'inédits de Christophe Tarkos


le samedi 19 février 2022, à 15h30

extraits lus par
Antoine Hummel, Laura Vazquez, Dorothée Volut, Arno Calleja, Thierry Raynaud, Sonia Chiambretto



« Michaël Batalla — Je crois que c’est un point important sur les intentions de ce livre : il s’agit vraiment de donner à lire, de donner à découvrir, de mettre à disposition des lecteurs ce pan considérable et, par définition, totalement inconnu de l'œuvre de Tarkos, mais sans orienter la perception ou, en tout cas, en l'orientant le moins possible, sans fournir de clés analytiques, mais en laissant justement la réception se faire sans trop la contraindre par l’interprétation.

David Christoffel — Oui, si on avait mis des catégories de texte, soit les catégories auraient été trop hétérogènes ou bien de toute façon, les proportions déséquilibrées. D'une certaine façon, ça aurait davantage gêné la lecture.

Alexandre Mare — On a construit le livre un peu comme on construit une exposition. Le travail de commissariat pour David et moi est autant dans l'exposition que dans le livre. Et, de fait, séquencer le livre à travers la colonne vertébrale des dessins, de telle manière que ça puisse aisément dialoguer avec les textes sans données interprétatives et laisser au visiteur ou au lecteur le choix de faire lui-même un travail interprétatif en se plongeant véritablement dans une matière peu connue ou quasi inconnue, c'est le même travail. Le travail de commissariat ou d'éditeur du livre, participe de la même dynamique.

D.C. — Et donc dans cette dynamique il y a aussi quand même une polarisation sur la période marseillaise de Tarkos dans les années 1993-1994, qui sont aussi des années pour lesquelles on a beaucoup de lettres disponibles dans les disquettes et qui donnent aussi accès à pas mal de textes qui n’ont pas été publiés. C’est pour cette raison qu’il y a une petite surreprésentation de la période de travail de 1993 à 1996, qui coïncide avec une séquence très, très productive où, de fait, même si Tarkos publie beaucoup, il ne publie pas tout ce qu’il écrit. C’est aussi une période sur laquelle on a une grande abondance de sources. Olivier Quernez a manuellement reclassé par date les plus de 15.000 fichiers dans les disquettes de Tarkos. Cela a permis de faire apparaître certains pics de production (mai 1993, août 1994, mars 1995...). Ce n’est pas pour autant qu’il nous semblait pertinent d’en tirer des conclusions spéculatives sur des prétendues périodes de production. Comme je l’explique dans En avant Tarkos (L’Arbre à paroles, 2007), les périodisations reviennent à opposer un Tarkos à un autre, en excitant des critères géographiques (le Tarkos de Marseille contre le Tarkos de Paris), éditoriaux (le Tarkos d’un éditeur contre le Tarkos d’un autre) ou esthétiques (le Tarkos de contre-culture contre le Tarkos de l’éternité), qui tendent à effacer le côté total de Tarkos qui se vivait aussi bien comme un poète d’avant-garde que franchement lyrique. Tarkos ne s’est jamais consacré à un seul chantier. Il travaillait toujours plusieurs textes en même temps. Pour ne parler que du projet Le Kilo, il en parle une première fois dans une lettre de mars 1994 à Madame Monprofit (que nous reproduisons page 573) tout en y travaillant par intermittence, jusqu’à 1999.

A.M. — C’est un travail tout aussi bien pour les lecteurs que pour les chercheurs qui viendraient, après nous, travailler sur l’œuvre de Tarkos et sur les archives le concernant qui sont soit en mains privées, soit rassemblées à l’Imec. C’est, bien sûr, un livre à lire mais c’est aussi un volume pour l’étude et la recherche, pour continuer à diffuser l’œuvre de Christophe Tarkos. C’est la raison, sans doute aussi, pour laquelle on n’a pas voulu donner trop de valeur interprétative à la construction du volume. En somme, en faire, tout autant un outil.

D.C. — C’est pour cela aussi qu’on est le plus rigoureux possible dans l’index des sources pour dire où se trouvent les textes, par où ils sont passés, quelles en sont les variantes... quand on peut le savoir. En revanche, il est vrai que pour limiter le volume à 800 pages et non pas 3000, des choix subjectifs sont intervenus. Nos subjectivités croisées ont permis de classer les textes selon un principe de plaisir, en gardant ceux qui sont les plus jouissifs. »