CONFéRENCES

Autobiographie & poésie


du vendredi 17 novembre au samedi 18 novembre 2000

modérateurs :
Éric Audinet, Dominique Rabaté

Intervenants :
Yves Charnet, Emmanuel Laugier, Jean-Michel Maulpoix, Jean Daive, Liliane Giraudon, Charles Juliet, Patrick Kéchichian, Hubert Lucot, Nathalie Quintane, Olivier Barbarant, Michel Deguy, Hédi Kaddour, Jean-François Bory



La vocation du cipM est de favoriser le dialogue, la confrontation, la réflexion autour de la poésie contemporaine. Cette nouvelle rencontre “Poésie et autobiographie” s’incrit ainsi dans la continuité du travail de défrichage engagé depuis Les Etats Généraux de la Poésie (1992), Enseignement et poésie (1993), Logique et poésie (1995), Poésie et philosophie (1997).

Le thème de ce nouveau rendez-vous a été proposé par Eric Audinet et Dominique Rabaté, qui ont assuré la composition de chacune des tables rondes, ainsi que l’articulation générale de ces rencontres.

Le brouillage des catégories, on le sait, aura été l’une des grandes tentations de la Modernité: produire une prose lyrique, prosaïser le poème. Cette dissociation entre genres et formes a levé bien des interdits, autorisé des associations inédites entre poésie et genre autobiographique. Même si l’on ne se réclame plus aujourd’hui du textualisme, s’est répandue une pratique ouverte des formes: utilisation comme indifférente des registres génériques, techniques empruntées au cinéma, à la vidéo, à l’informatique - pratique ouverte qui cherche (dans l’inquiétude ou dans le jeu) sa nécessité, qui semble diluer la frontière entre fiction et authenticité. Comment (se) dire ?

“Ce ne sont ici que figures de hasard, manières de traces, fuyantes lignes de vie, faux reflets et signes douteux que la langue en quête de foyer a inscrits comme par fraude”: cette déclaration inaugurale d’Ostinato dessine un espace ambigu. Héritier paradoxal de Leiris, Louis-René des Forêts cherche toujours la “vérité d’une fable”, une légende glorieuse de l’être. Cette oeuvre exemplaire, comme celle, parmi d’autres, de Jacques Roubaud (Le grand incendie de Londres) peut nous servir de repère pour envisager aujourd’hui les liens entre autobiographie et poésie, ou plus précisément l’utilisation du genre autobiographique par des écrivains classés comme poètes.

Mais si la fiction s’insinue au coeur du dispositif autobiographique, si la sincérité n’est plus le garant du dire, comme le laissent supposer les textes d’auteurs comme ceux d’Emmanuel Hocquard, Denis Roche, ou plus récemment Pierre Alferi, que devient l’énoncé autobiographique ? De quel partage formel relève-t-il ? Sur quelle promesse se fonde-t-il ? Ces questions peuvent amener à réfléchir aux fonctions de la poésie, en la confrontant au dire autobiographique, à ses limites. Notamment si l’on conçoit le travail poétique comme lien analogique essentiel.

À la fois pour prendre la mesure du siècle écoulé et dessiner l’éventail actuel des stratégies d’écriture poétique par rapport au projet autobiographique, en marquer les arêtes comme les lignes de fracture, ces rencontres se proposent de faire dialoguer écrivains et critiques autour de la question des rapports entre poésie et autobiographie aujourd’hui. Question de distances, à tous les sens du mot: distance entre les pratiques scripturales, entre les positions théoriques; distance entre le sujet et soi-même; distance entre le sujet et la langue.

Eric Audinet
Dominique Rabaté

Le vendredi 17 novembre 2000, de 17 h 30 à 19 h

Ouverture :
Eric Audinet, Dominique Rabaté

Table ronde 1 :

La part de l’autobiographie dans la poésie
contemporaine : un renouvellement ?

Modérateur :
Dominique Rabaté

Intervenants :
Yves Charnet,
Emmanuel Laugier,
Jean-Michel Maulpoix

Curieusement exclue de la définition qu’avait proposé Philippe Lejeune dans Le Pacte autobiographique (1975), la poésie de notre siècle oblige pourtant à penser les liens qui unissent le sujet de l’écriture et le sujet réel. On pourra éventuellement repartir de l’opposition schématique entre, d’un côté, Hugo Friedrich qui voit dans la dépersonnalisation le mouvement moteur et la vérité de la poésie moderne, et, de l’autre, Käte Hamburger qui fait du Je lyrique un « Je origine », qui fait de l’énoncé poétique le contraire de la fiction. Quelle part autobiographique réclame ou supporte le poème ? Après bien des tentatives d’écriture neutre, de « disparition élocutoire », faut-il voir dans l’insistance actuelle de la voix, du corps, les signes d’une renouvellement ou le retour d’une longue tradition lyrique ?



Vendredi 17 novembre, 19 h 30

Soirée de lectures avec :

Yves Charnet
Jean Daive
Liliane Giraudon
Charles Juliet
Patrick Kéchichian
Emmanuel Laugier
Hubert Lucot
Jean-Michel Maulpoix
Nathalie Quintane


Samedi 18 novembre, de 10 h 30 à 12 h 00

Table ronde 2 :

Prose/poésie : quel partage ?

Modérateur :
Eric Audinet

Intervenants :
Jean Daive, Liliane Giraudon, Charles Juliet

Qu’est-ce qui se joue dans le passage de la forme poésie à la forme prose du point de vue du statut du sujet qui écrit ? Des Fleurs du mal aux Petits poèmes en prose, du Bateau ivre aux Illuminations, des Poèmes de Samuel Wood à Ostinato, des Dépôts de savoir et techniques aux Essais de littérature arrêtée, ou encore de la poésie de Jacques Roubaud au projet du Grand incendie de Londres, etc. ? Doit-on considérer que la prose autorise, entre les dimensions épiques et lyriques de la poésie, l’introduction d’un regard critique, la distance que nécessite toute entreprise autobiographique ? Ou, au contraire, qu’elle seule rend possible l’énoncé d’une proximité du sujet écrivant à soi-même ?


Le samedi 18 novembre, de 14 h 30 à 16 h

Table ronde 3 :

Sujets de l’autobiographie

Modérateur :
Dominique Rabaté

Intervenants :
Olivier Barbarant, Michel Deguy, Heddi Kadour,
Patrick Kéchichian

Poser ensemble ces deux questions : quel est le sujet de l’autobio-
graphie ? Quels sont les sujets de l’autobiographie ? Interroger l’irréductible singularité de l’écrivain, tout en sachant que le « sujet » est un effet, un multiple, un agencement de voix éclatées. Déplacer l’accent du singulier au pluriel, et envisager les circonstances qui favorisent l’appel du poème. Décliner les postures, les paysages, le rapport au temps, les types d’expériences qui seraient aujourd’hui les terrains de l’autobiographie en poésie. Et encore, imaginer a contrario quels thèmes, quels registres seraient aujourd’hui pour nous hors de la poésie, ou même ce à quoi la poésie doit résister – devant l’inflation médiatique du Moi.


Le samedi 18 novembre, de 17 h à 18 h 30

Table ronde 4 :

L’autobiographie comme leurre

Modérateur :
Eric Audinet

Intervenants :
Jean-François Bory, Hubert Lucot,
Nathalie Quintane

Écrire s’approche-t-il de s’écrire ? La tentation autobiographique dans la poésie moderne s’apparente-telle :
– à l’expression d’un retour du sujet dans la littérature, avec toute sa cohorte de fantasmes et d’anecdotes ?
– à la reconstruction fragmentaire et parcellaire d’un sujet qui s’est perdu et se cherche dans la langue ?
– à la mise en évidence d’une impossibilité de la langue à dire le sujet ?
– ou, plus radicalement, à l’élaboration d’une « histoire de moi » qui se fabrique dans les énoncés de la langue poétique ?




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