MANIFESTATIONS

La soirée des Usagers du cipM

Usagers 2005


le vendredi 3 juin 2005, à 19h

lectures de :
Jean-François Bory, Patrice Luchet, Cyrille Martinez, Caroline Deseille

calligramme de Jean-Francois Bory



– C’est amusant que tu m’aies donné rendez-vous dans le même bar que l’année dernière pour préparer ton texte de présentation de La Soirée des Usagers.
– Pas sûr.
– Comment ça, pas sûr ?
– Tu vois que rien n’a changé du décor : la barmaid toujours en premier plan et le grand miroir du fond piqué de vieillesse et les bouteilles. Et puis nous là !, et tous les autres, en reflet dans le miroir.
– Et alors ?
– Alors l’année dernière j’avais eu l’idée de présenter les invitées comme si c’était le tableau de Manet, tu sais : Le bar des folies bergères. Et comme le miroir du fond est maintenant piqué, j’avais fait un peu comme si c’était une vanité.
– Pas mal, et alors ?
– Et alors ça a été très mal pris ! Parce que les personnes invitées n’avaient aucune idée de ce tableau de Manet même après que j’ai expliqué le titre et décrit le tableau.
– C’est impossible ! tout le monde connaît ce tableau !
– Je pense qu’elles aussi connaissaient le tableau mais, dans ce contexte, elles ne pouvaient pas se l’imaginer. Elles pensaient que j’allais écrire un texte sur leurs ego et ne pouvaient pas sortir de cette idée.
– Peut-être que ces personnes pensaient, plus littérairement, au romancier Eduardo Manet qui publie des romans très soutenus aux Éditions du Seuil. C’est un littéraire ; c’était plus logique que ton détour par la peinture. Ce sont des soirées littéraires.
– Manet a été le premier à illustrer Mallarmé.
– Tu leur a dit ?
– Non.
– On en prend un second ?
– Volontiers ! tu vas te voir faire signe dans le miroir et la barmaid sera soudain en premier plan. Mais alors le comble, tu sais, c’est que l’une de ces personnes m’avait attaqué, autrefois, dans une revue et je l’avais invitée pour…
– Arrête, tu deviens geignard !
– Tu as raison. Tu sais que cette robe bleue te va très bien !
– Tu me l’avais déjà dit.
– Je ne crois pas, ce doit être un autre.
– Bon, alors cette année qui sont les invités ?
– Cyrille Martinez, Caroline Deseille, Patrice Luchet. Tu sais que la soirée des adhérents du cipM se consacre à présenter à ceux-ci des nouveaux talents ou des auteurs singuliers dont le travail a progressé. Ce doit être, bien sûr, la plupart du temps, de jeunes ou de nouveaux talents pas encore assez reconnus. Ainsi cette année parmi les trois invités, deux ont moins de trente ans. Le travail de Patrice Luchet est très peu diffusé et les quelques textes que j’ai lus de lui méritent d’être lus et présentés. Caroline Deseille travaille sur la lecture-performance et elle prépare un livre sur ce sujet depuis sa sortie des
beaux-arts. Cyrille Martinez est le plus connu, il a déjà lu à Marseille où il vit. Son travail et la progression de ses nouveaux textes valent largement le détour, je te le promets.
– Je viendrai, mais tu sais, cette frustration réciproque de l’année dernière, cette incompréhension, c’est sans doute dû à toi, à l’ambiguïté de l’écriture, et puis, peut-être, écris-tu mal !
– Et aussi, peut-être écris-je bien !
– Écris-je ? ça fait idiot.
– C’est vrai, c’est le français qui a des courbatures.
– C’est agréable ce bar, tu ne trouves pas ?
– Je veux, on en prend un troisième ?
– Non, après tu sais que tu es nul.
– Ah ! Parce qu’à jeun je suis meilleur ?
– Ne fais pas l’âne pour avoir du foin !
– Et si, ce soir, on le faisait dans une meule de foin ?
– Et où veux-tu trouver une meule de foin à la sortie d’un bar, en pleine ville ?
–Mais dans l’écriture, ma chérie ! Avec l’écriture tout est possible. Tu ne sais pas ça ?

Jean-François Bory




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