EXPOSITIONS

Le sens du toucher


Christian Prigent


du vendredi 10 avril au samedi 23 mai 2009

exposition coordonnée par
Christian Prigent

avec :
Philippe Boutibonnes, Jean-Marc Chevallier, Joël Desbouigues, Serge Lunal, Olivier Roller, Pierre Tual









Présentation :

Cette exposition porte le nom du dernier essai de Christian Prigent sur les arts plastiques, " Le sens du toucher ", paru aux éditions Cadex, en 2008.

Les 7 artistes exposés ont déjà collaboré avec Christian Prigent (cf. bibliographie de Christian Prigent [fiche auteur]).


Quelle que soit la scène (ou l’absence de scène) qu’il figure, un tableau ne représente rien d’autre que les causes qui ont fait qu’il a été peint (et peint de la façon qu’il propose). Il va donc droit au coeur de la question du symbolique. Et il nous appelle à jouir et à penser, justement, dans l’espace énigmatique qu’il ouvre entre ce qu’il figure (des scènes, des corps, des paysages) et ce qu’il représente (la peinture elle-même). Que le figuré et le représenté n’y soient pas la même chose engage la pensée sur le terrain de cette différence (elle-même non figurable, mais constitutive de la fiction peinte).
C’est cette chose différente (non nommable et non figurable comme objet) que la peinture peint. Et c’est le vide que cette différence ouvre dans notre vision (du monde) qui nous fait jouir, penser, et écrire devant ou avec la peinture.
[…]

Christian Prigent, Noli Me Tangere, inédit, in le ' ' ' Cahier du Refuge ' ' ' 178, avril 2009





Pierre Tual

[...]
Là est le seul motif : l’impulsion qui fait sculpter. Pour que le motif persiste comme dynamisme originel, les limites de la figure doivent rester flottantes, l’interprétation ouverte. Car rien ne se figure plus, alors, que la possibilité même de figurer : la puissance d’engendrement rythmique des images et du sens, avant qu’elle ne pose en costume de signe, qu’elle ne se fixe en code et ne s’abolisse comme inventivité.
L’origine du monde, en somme. Voici donc cette ouverture désirée, féminine et sourcière, à l’oeuvre dans des sculptures et donnée comme sculpture : je peux la saisir d’où je veux, au fil des points de vue multiples qu’autorise la sculpture ; je peux même la voir hypocritement selon ma position face aux gradins où elle trône.
[…]

Christian Prigent, extrait de Le sens du toucher, Cadex, 2008, in le ' ' ' Cahier du Refuge ' ' ' 178, avril 2009




Serge Lunal

Motif est le nom qui me semble convenir à cet objet originant. D’abord au sens de « ce qui meut », de raison qui fait peindre. L’objet est la trace, dans la peinture, de ce qui fit que la peinture se peignit à partir de l’intranquillité d’un corps travaillé par la fuite des choses devant l’effort de représentation. Ce que ce corps, sans doute, tenta de fixer en couleurs et en lignes rompues, c’est cette inquiétude voluptueuse : l’affection d’un temps et d’un espace pas encore historicisés, pas déjà futurologisés – c’est-à-dire l’amour ambivalent du peintre pour ce dont l’affecte, dans la durée exacte de la composition, l’expérience du présent qu’il consigne en tableau.
[…]

Christian Prigent, extrait de Le sens du toucher, Cadex, 2008, in le ' ' ' Cahier du Refuge ' ' ' 178, avril 2009




Philippe Boutibonnes

Le propos de Philippe Boutibonnes n’est pas d’abord de traiter et de produire des espaces, même si son travail donne à voir des surfaces et des traces. Son geste consiste plutôt d’une part à enregistrer le travail du temps qui fait passer les couleurs et s’évanouir les traces. Et, d’autre part à répéter obstinément des signes toujours identiques pour conjurer symboliquement l’écoulement qui emporte les êtres et les choses dans un deuil quotidien.
[…]

Christian Prigent, extrait de Rien qui porte un nom, Cadex, 1996, in le ' ' ' Cahier du Refuge ' ' ' 178, avril 2009




Jean-Marc Chevallier

[...]
Qu’est-ce que l’infigurable ? : ce que, justement, les figures ne saisissent pas autrement que par une manière de vertu symbolique négative. Cela, cette négativité, c’est le démesuré des sensations par quoi le monde nous affecte et défie la mesure des représentations que nous nous en faisons.
La peinture de Jean-Marc Chevallier nous fait voir cela : ce quelque chose qui suggère un avant sensuel de la prise figurale.
[...]

Christian Prigent, extrait de Le sens du toucher, Cadex, 2008, in le ' ' ' Cahier du Refuge ' ' ' 178, avril 2009




Olivier Roller

[…]
Photographié, un visage donne donc toujours la sensation soit de se projeter agressivement vers l’objectif (comme pour l’obturer), soit de fuir vers des marges insaisissables pour les codes dont nous disposons pour les représenter. Il est ainsi posé dans une étrange distance. Sa vérité n’est pas dans l’exactitude de surface qui fixe ses traits. Elle tient au vide que fait la distance dont je parle dans la surface cadrée en gros plan devant nous.
À force de frontalité et de vérisme emphatique, les photos d’Olivier Roller surlignent paradoxalement cette distance. On peut s’en effrayer. On peut en ressentir quelque gêne quand il s’agit de l’image de soi. On peut ne point vouloir s’y reconnaître.
[…]

Christian Prigent, extrait de Le sens du toucher, Cadex, 2008, in le ' ' ' Cahier du Refuge ' ' ' 178, avril 2009




Joël Desbouigues

[…]
Mais pour que surgisse l’altérité – voire la sensation qu’il y a de l’altérité, de la différence non logique – il faut la proposition du même, des noms, des figures, du réseau symbolique : le cadre impérieux du tableau et l’imminence suggérée des figures sont les moyens que la peinture, toujours, et celle de Desbouiges en particulier, se donne pour nous en faire la démonstration.

Christian Prigent, extrait de Le sens du toucher, Cadex, 2008, in le ' ' ' Cahier du Refuge ' ' ' 178, avril 2009




Mathias Pérez

Ce ne sont pas des corps que montrent ces peintures. Mais des morceaux de corps, des corps morcelés et résumés à la déclarativité de leurs fragments sexués. Le corps entier (la totalité anatomique) n’y est présent qu’en tant qu’absent.
Chaque morceau montré est métonymique : il vaut pour tout le corps. Mais il vaut bien davantage encore pour l’absence de ce tout que serait le corps. La peinture ne tient au corps que pour autant qu’elle n’en montre que des bribes démontées, et qu’elle l’évince comme figure entière. Chaque lambeau métonymique joue ce temps d’évincement parce qu’il évoque le retiré de la présence globale. Et il fait sens de ce retirement.
[…]

Christian Prigent, extrait de Le sens du toucher, Cadex, 2008, in le ' ' ' Cahier du Refuge ' ' ' 178, avril 2009





voir aussi :
Le sens du toucher - Christian Prigent (Manifestations)


lire aussi :
178