AUTEURS

Patrice Luchet


Patrice Luchet



Né à Agen, vit et travaille à Bordeaux. Publications en revue : Boxon, Procès, Ouste, Offerta Speciale, 4/5. Publications sur les sites : Cqnc, Tapin, sitaudis, la revue X. Dirige la revue 4/5 et la revue à parution incertaine. Organise des rencontres entre écrivains et public scolaire. Présente ses textes sous forme de publications orales.


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Rousseau et le peigne cassé

Rue Lavoisier
Extrait de « à nous deux ma ville aventure » et « même les nuits n’ont pas de repos »

Quand nous arrivions au bout de l’impasse Paul Dangla, on tombait dans une autre rue et il fallait voir, ou plutôt écouter, les histoires que l’on se racontait dans cette rue, c’était Lavoisier-ci, Lavoisier-là, il en avait fait des vertes et des
pas mûres, la rue s’appelait rue Lavoisier. Les miennes étaient souvent compliquées, voir alambiquées, à croire que j’avais bu, c’était mes histoires bien sûr, c’est pour cela que je dis qu’elles étaient alambiquées, alambic, alcool, boire, aucun rapport donc avec les miennes d’histoires qui étaient souvent compliquées, voire alambiquées, à croire que j’avais bu, les siennes étaient d’une efficacité scientifique comme celle de cet homme qui prend un vase, attention pas celui où l’on met des fleurs à disposition, plutôt le vase clos là où est enfermé le précieux, le métal merveilleux, l’or doré et mordoré de l’alchimiste, j’ai toujours aimé l’aspect excessif de ses histoires, or, alchimie,
précieux, moi j’appelle cela en faire des tonnes, en tout cas un peu trop, loin de l’aspect en vase clos des miennes, avec leurs redondances, leurs résonances et leur magie magicienne comme il dirait sans hésitation, c’est vrai que l’on dit que parfois mes histoires se répètent et prennent une autre résonance, sans
que cela soit magique, ni d’ailleurs que l’on ait l’impression qu’il y ait la moindre hésitation dans mon texte, ainsi loin de l’aspect en vase en clos des miennes, avec leurs redondances, leurs résonances et leur magie magicienne comme il dirait sans hésitation. Donc de magie, le vase était clos, je parle du vase de Lavoisier bien sûr, puisque l’on se promenait dans sa rue, mais depuis le début je parle de Lavoisier peut-être une fois de plus une précision s’impose. Lavoisier était un chimiste du 18ème siècle qui a balayé par ses travaux toutes les tentatives d’alchimie à l’époque, il était d’une famille aisée et noble et il remplissait la fonction de fermier général du roi, il faut voir que
pour la suite c’est important de savoir cela, donc de magie, le vase était clos, chauffé à n’en plus pouvoir tenir comme sortez-vous, attention, chaud devant, c’est chaud surtout ne touchez pas, vous allez vous brûler et lui de toucher, d’ouvrir le vase et de constater, un qu’il n’est plus clos, deux que ce qui est à l’intérieur a brûlé, vous voyez c’est cela l’efficacité scientifique de ses récits et trois que la masse du brûlé est constante par rapport à la masse de ce qui a été mis à brûler, c’est bon, la masse du brûlé est constante par rapport à la masse
de ce qui a été mis à brûler, en langage familier, on dit c’est chaud ça, mais Lavoisier au lieu de dire « c’est chaud ça » comme aurait fait tout un chacun, lui de dire à chacun et pour tout, à partir de ce jour, que « rien ne se perd, rien ne se crée », c’est de lui, du fameux Lavoisier. Ainsi nous et Lavoisier
avions raconté un grand nombre d’histoires perdues car on les a oubliées, mais pourtant pas perdues, comme dirait le pain s’il pouvait parler, quel rapport avec du pain, vous me direz, puisque rien ne se perd, prenez de la farine, chauffez la, vous obtenez du pain, chauffez encore, vous obtenez du pain perdu, pourquoi du pain, car c’est à ce moment là qu’au retour de l’école, on entamait le goûter, fait de barres au chocolat et de pain, dont Lavoisier était le témoin privilégié puisque privilégié il était, en tant que fermier général de son vivant, le fermier général était celui qui s’occupait du blé, du froment, gestionnaire proche du roi, et que cela lui a coûté la vie, puisque guillotiné il
fut à cause de se privilèges et de ce titre ronflant de fermier, et que ce pain l’a donc perdu, perdu puisque guillotiné et vous me direz « perdu » est un euphémisme, et même c’est à y perdre la tête quand on y pense. J’aimais beaucoup cette histoire de Lavoisier et la guillotine à cause du pain perdu et ceci, par le complot fomenté, et non pas fromenté, par les alchimistes pour se venger de leur soudaine disparition, et pourtant rien ne se perd, de par les expériences du vase clos de ce bon Lavoisier.




Cahiers du Refuge :
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