AUTEURS

Christiane Veschambre


Christiane Veschambre



Elle a animé, avec Catherine Weinzaepflen, la revue Land, et a créé, avec Florence Pazzottu, la revue de poésie Petite. Elle a collaboré à plusieurs revues (dernières publications dans le numéro 74 du Nouveau recueil) et a publié :
Le Lais de la traverse, éditions des Femmes, 1979.
Orées, in Manger, ouvrage collectif, éditions Yellow now, 1980.
Passagères, éditions Ubacs, 1986.
Les Mots pauvres, Cheyne éditeur, 1996.
La Griffe et les rubans, Le préau des collines, 2002.
Haut jardin, Le préau des collines, 2004.
Qu’est-ce que je vais faire à manger ? paraîtra en 2006 aux éditions du Rouergue.


écouter :

De temps à autre, marchant, je regardais le ciel ...

La maison de terre
(extrait)

J’étais sortie du cimetière inexplicablement légère.
(Là, à cet instant, appeler non, pas appeler, laisser venir la voix reléguée par force, et dureté des jours où l’on fait taire les seules voix vivantes, si vite écrasées, un rien les contraint au mutisme, ces voix-là ne sont rien, qu’un mince talon suffit à anéantir sans même en avoir l’intention, ne sont rien qu’une framboise déposée sur le trottoir de la grande ville martelé des gigantesques semelles des passants – le voilà mon rêve, c’était cela qu’il me disait – mais au moment où je relève le talon de ma botte elle est là, la voix de rien, que je croyais écrasée, vive, intacte dans sa puissance comme si rien n’avait pu l’altérer, voix hors d’âge et d’usages, voix de la « puissance de la vie » constatait, en la saluant, Gilles Deleuze, si ténue, humiliée, effacée par nos yeux grands ouverts sur la surface des jours – le petit ménage des jours, le management du vivant. Le management du vivant c’est comme l’alcoolisme. On s’accorde d’abord un verre – une petite tâche à accomplir, à prévoir, une chose utile et nécessaire – et l’on se retrouve hébété d’alcool, ce terrible alcool de fadeur mortelle qui vous laisse sans espoir. Un jour tout le vivant y est passé. On n’entend plus que les talons des bottes sur les trottoirs de nos jours, on n’a plus qu’à ouvrir le camp où s’interner. Inutile : on y est, on est et le camp et l’interné et le gardien.
Quelque chose alors me sauve provisoirement. Le sentiment – alors que tout sentiment m’a quittée – d’un espace totalement saturé en même temps que vide. Cet espace c’est moi. C’est vraiment moi : il n y a plus que ça : moi. Le moi de glace durcie épaissie par des jours et des nuits de gel constant, d’hébétude systématique. Je n’y tiens plus. Je n’y tient plus dans ce moi. Ou alors ce sera bientôt comme le cadavre qu’un mafieux s’apprête à couler dans le béton.




Cahiers du Refuge :
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interventions au cipM :

La Revue Petite (Manifestations)
La revue "Petite" (Manifestations)