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Depuis trois ans, les enfants des Étoiles viennent me retrouver à la Vieille-Charité. Ils ne sont pas nombreux. Parfois deux ou trois. Jamais plus de quatre. Élisabeth Fragoso est avec eux, ferme et attentive. Bienveillante.
D’abord timides, les enfants des Étoiles ont commencé à écrire allongés sur un tapis que l’autre Élisabeth, comme ils disent, Élisabeth Steffen, déroulait pour eux. Ils riaient parfois en entendant les poèmes que je leur lisais ; d’autres fois ils les goutaient les yeux fermés, apaisés, ou au contraire les rejetaient un peu loin d’eux avec des soupirs ou des sursauts d’impatience. Ce qu’ils écrivaient, ou plutôt ce qu’ils improvisaient et que l’une ou l’autre d’entre nous notait pour eux d’une main rapide (parce que quand leur main traçait elle-même les signes, avec une bien naturelle lenteur, elle était vite contrariée, et même paralysée, par leur souci constant du « comment ça s’écrit »), ce qu’ils inventaient donc semblait presque toujours jaillir et leur échapper aussitôt, comme happé par d’autres espaces que ceux où leurs corps d’enfants, de très jeunes adolescents, s’agitaient.
Depuis quelques mois, Christopher, Mohamed et Florian, écrivent eux-mêmes, assis autour d’une grande table de verre, dans la bibliothèque inépuisable du cipM. La douleur, les difficultés de vivre sont toujours présentes ; mais leur main a mûri, elle suit mieux, avec plus d’audace et de conscience, l’élan de la pensée.
Ils n’ont jamais cessé de m’étonner.
Florence Pazzottu
Remerciements à Mme Nicole Gibert et Mme Élisabeth Fragoso
extraits :
Florian Torrossian
La roche vivante
tenait un parasol bleu
sur le sable depuis l'éternité
Un jour, une dame ramassa la roche
vivante
du parasol bleu qu’elle jeta
naquit la mer.
Je vis dans un pays de sucrerie
Un jour, je rêvais
Canne à sucre, bonbons à la vanille
Et soudain, je vis un champ de sucettes
les sucettes étaient vivantes
Menthe, vanille, fraise, banane
Et tout à coup je rêve.
Haiku
La libellule rouge
dans la nuit
le printemps se lève
Cerise picorées
chants d’oiseaux
dans le jardin de ma tante
Christopher Roch
Quand le soleil se couche
la lune monte au ciel
Quand la mémoire vient
on ne peut plus écrire
Quand une plaie s’ouvre
le sang coule
Et l’eau rafraîchit la mémoire
Quand le chat marche
c’est silencieux
comme une ombre
qui avance
Haiku
Ciel et terre
dialoguent avec la lune
rêve obscur
Le soleil se lève
et le vent s’en va
quand l’été arrive
Mohamed Bentalah
Un soir comme tous les autres
bruit dans la cuisine
Quel monstre quand tous dorment
Un bruit dans la cuisine
Mais où est donc mon frigidaire ?
Le sang coule dans ce temple
combien de temps va-t-il couler ?
Le temps est beau
les vagues viennent sur mes pieds
le sable me chatouille
et les coquillages viennent vers moi
Haiku
Trois après-midi en été
le ciel est bleu
mon chat sourit vite en jouant
Le printemps arrive
les gens sont contents
sautent de joie |
