MANIFESTATIONS |
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De la pointe d’un pinceau labile gonflé d’aquarelle, Gunther Förg trace une silhouette aux bras écartés au milieu de ce qui semble un champ : un horizon, un ciel, deux larges bandes de la même eau, différemment teintée, brossée de gauche à droite sur la feuille de papier. La silhouette est statique et même raide. Si l’on me demande ce que c’est, je dirai que c’est un épouvantail, à cause du champ et de la raideur. Il n’y a pas d’oiseaux dans le ciel de cette image, ce qui pourrait impliquer soit que l’épouvantail ne sert à rien : s’il n’y a pas d’oiseaux, inutile de chercher à les effrayer, soit au contraire qu’il fonctionne à merveille : les oiseaux sont partis parce qu’ils ont eu peur. Soit encore que le peintre néglige l’anecdote. Dernière hypothèse : la figure n’est pas un épouvantail. Quelle est en effet l’image la plus proche de celle d’un épouvantail ? Il suffirait que la même silhouette, plutôt que plantée au milieu d’un champ, soit au sommet d’une bute pour que cette bute soit un Golgotha. Avant même d’être peints, épouvantail et crucifixion sont des images : des constructions mentales qui figurent autre chose que ce qu’elles sont. Dans un cas comme dans l’autre il s’agit de nous faire croire, à nous et à d’éventuels oiseaux dévoreurs de récoltes, qu’un principe anime cette nature inerte. Jean Frémon, Un épouventail, in le ' ' ' Cahier du Refuge ' ' ' 148, été 2006 |
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voir aussi : Jean Frémon (Expositions) lire aussi : 148 écouter : Un épouventail |