ÉCOLE DU CIPM

Interventions d'auteurs en milieu scolaire

Poésie en espace


Intervention en 2005 - 2006


en janvier 2006

Atelier d'écriture adressé aux élèves de seconde
(BEP Carrières Sanitaires et Sociales)
du Lycée Professionnel Édmond Rostand (Marseille)
par le poète et éditeur :

Pascal Poyet

dessin d'Anaïs Aftis



Un atelier d’écriture est avant tout un lieu pour découvrir l’écriture des autres. Outre mon propre travail que je lirai à la fin et dont nous parlerons, trois textes devant moi avant de commencer l’atelier, et l’envie de les faire se succéder dans les cinq séances : le livre de Michelle Grangaud, Geste ; le poème de e. e. cummings sobrement numéroté, ou intitulé « 1 » (le premier des 95 Poems) et la nouvelle traduction, lumineuse, qu’en a proposé Jacques Demarcq ; le livre de Pierre Alféri, Kub Or. Travailler à partir de ces textes.

Parmi les raisons de ce choix, le fait que sur la page, ces textes se regardent. Qu’en retarder la lecture pour les regarder seulement (pas si simple) nous apprend beaucoup d’eux.

Travailler à partir de textes, c’est-à-dire travailler à partir de, comprendre et bien comprendre de quoi il s’agit, et travailler à partir de, c’est-à-dire faire des propositions différentes, en prenant conscience de chacune de ses décisions. Beaucoup de temps donc à s’expliquer les choses, à reprendre oralement, collectivement, ce qui est écrit par chacun, en plus du temps passé seul à seul.

Geste (le titre installé sans article sur la couverture doit être entendu à la fois au masculin et au féminin) est un livre de rééducation à la phrase, écrit Michelle Grangaud. Narrations, « proses » dit-elle encore, de trois lignes, pourtant contraintes par une métrique. Je choisis pour commencer d’extraire huit textes de ce livre qui en contient mille (huit, parce qu’il y a huit textes par pages dans le livre), comme on traverserait le livre en courant, huit textes donnant huit exemples différents des relations de la métrique et de la syntaxe. Combien de phrases ? Une ligne correspond-elle à une unité de sens ? Quelle est la place de la ponctuation ? des conjonctions ou autres mots grammaticaux ? Des mots sont-ils coupés ? Et puis insister sur la complexité de cette langue apparemment simple, descriptive, cet emploi exclusivement littéral des mots. S’y tenir.

La littéralité du poème de cummings est autre. Elle correspond à une autre définition de ce mot : « qui utilise les lettres ». Poème longiligne comme un l, un 1, qui écrit lettre par lettre (dans cette langue où le premier des pronoms est d’une seule lettre) et en en faisant signifier jusqu’au dessin des parenthèses, la chute d’une feuille et le sentiment qu’elle provoque. Où la suspension de la possibilité de lire est aussi le temps de son vol. Où la parenthèse s’ouvre dans un mot. Ce qui le provoque y est pris, entre parenthèses, dans le sentiment qu’il provoque : le dehors dedans, a-t-on envie de dire, que le poème donne à voir simultanément. Et le suffixe (quatre lettres d’un coup !) est un sol.

Les poèmes de Kub Or sont eux des carrés — algébriques, il faut compter pour le voir. Kub Or partage avec Geste le caractère journalier de l’écriture. La syntaxe y vit joyeusement son inadéquation à la mesure du vers. Poèmes vites, au point où tout semble se donner en même temps, poèmes « grunges », sans ponctuation, denses comme bouillons déshydratés, images. En légende, un mot sous chaque carré. Commencer avec l’un d’eux, un carré, et le plonger dans le mot qui le sous-titre, mais sans suivre les lignes, ou phrases, tout azimut : un mot, un point de l’« image » ou groupe de mots pressés à la surface du poème et même, c’est très sérieux, jusqu’à l’y dissoudre ou non, plutôt qu’il se dilue, le poème.

Voilà pour démarrer.

Pascal Poyet




EXTRAITS :

Julie Saint Sernin

il traverse à
la lumière du
rouge au
passage piéton et
là stop le
danger est arrivé

feu



Anaïs Aftis

les cheveux frisés
et la brosse décoiffent
puis elle coupe et elle chauffe
sur la plaque
et le rouleau
court sur le matelas
qui est en forme de
ressort

couette



Tiffany Simon

   la
        j(
   je
    l'ai
       me)
              alou
                     sie



Johanna Baghdikian & Sophie Vitton

Elle pose la
lettre sur la table.
Elle va au tabac en bas de chez moi.

Il va dans le salon
regarder la télé.
Il veut faire passer le temps au temps.

Elle rêve de voir le
salon décoré.
Elle va dire le rêve à son mari.

Il va se promener
tout au long de la plage.
Il est suivi de sa compagne.

Il voit un chien par terre
va lui porter secours.
Il va faire les soins nécessaires.

Elle avait décidé
de faire un bon repas.
Elle veut faire plaisir à ses proches.



atelier de poésie et atelier d'illustration :
Le projet a été conçu en deux parties : d'une part les séances d'écriture poétique, et d'autre part les séances d'illustration et de mise en page.
Le premier temps du projet est l'atelier de poésie animé par Pascal Poyet, auteur et poète qui est intervenu dans la classe de Seconde BEP Carrières Sanitaires et Sociales au cours de cinq séances. Ces ateliers se sont déroulés sous l'encadrement d'Ana Rossi, professeur de français.
Le deuxième temps du projet est constitué des séances d'illustration et de mise en page, encadrées par Géraldine Basset, professeur d'arts appliqués.

Le résultat de ce travail a fait l'objet d'une publication de 80 pages en couleur, comprenant les textes et illustrations des élèves, ainsi que des annexes pédagogiques et didactiques.




voir aussi :
Toutes les interventions en 2005 - 2006 (École du Cipm)