Extrait :
Verlaine déjà, un peu avant, « Ah, tout est bu, tout est mangé, plus rien à dire... ». Puis Mallarmé, montrant, un peu effrayé, les épreuves du « Coup de dés » au jeune Paul Valéry. Un peu effrayé ou le feignant : « je crois que j’ai fait une folie... ». Valéry écrira à ce propos (dans Variétés II) deux textes exceptionnels, épanouis et Bonnardiens qui nous enrichissent énormément sur l’amitié qui régnait entre les deux poètes mais ne nous éclairent, malheureusement, en aucune façon sur l’éventuelle prescience d’un futur concassé. On était encore très loin de ce moment où, comme le dit si bien Audiberti : « Le présent fait figure non plus de passé qui se survit mais de futur anticipé ».
Très loin.
C’est souvent l’inénarrable ethnocentrisme franchouillard qui fait remonter ce qu’on appelle « l’avant-garde » au Coup de dés, oeuvre éminemment hors du commun, qui n’a nullement besoin de cet acrotère pour nous éblouir par sa singularité et rester, indéfiniment, sur la ligne de crête.
De fait ; en 1900, rien n’est joué. On se répète, on se répète, on se répète... L’indigence du milieu poétique atteint des zones que seule la fin du XXè siècle parviendra à égaler. La suffisance, le peu et le convenu se redistribuent dans un jeu « d’anthologies poétiques » qui laissent, aujourd’hui encore, pantois tout amateur de vieux livres.
Marinetti ne fait pas exception. Il dirige une revue « Poesia » qui publie tout ce mélange de « peaux de saucissons et d’écorces d’oranges » allant de Jean de Tinan à Sully Prudhomme en passant par Auguste Barbier. Cela dure, cela traîne et cela dure encore. Le théâtre ne se porte pas mieux. Le roman non plus (c’est l’époque de Paul Bourget). La danse : grotesque, etc.
[...] Jean-François Bory, Le Futur a 100 ans, extrait du ' ' ' Cahier du Refuge ' ' ' 176, février 2009
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