MANIFESTATIONS

IMPORT / EXPORT

Barcelone / Marseille


le samedi 1er octobre 2011, à 19h00

Lecture bilingue avec
Elies Barberà, Sònia Moll, Vinyet Panyella, Oscarine Bosquet, David Lespiau, Jean-Luc Sarré

et avec l'aide de la traductrice
Nathalie Bittoun-Debruyne



L’atelier IMPORT / EXPORT Barcelone / Marseille a été organisé en partenariat avec l’Institut des Lettres Catalanes et l’Institut Ramon Llull.

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Extraits :

Le chant

Le stylo fourmille sur l’aire.
Il écrit son monde : mille chansons
éparses. Comme qui sème au vent
il y laisse des volées de graines
– petites lettres, lettres de poème –
et les arrose et en prend soin chaque jour.
Et dans des vers comme les colonnes
des vieux temples d’Agrigente,
il érigera le bruissement quotidien.
Comme un poisson dans l’eau, évoluer dans la forme.
Dans le poème peu importe le moi.
Il y a dans le dire la secrète confiance
qui conserve les noms et y passe le buvard.
Et les graines des noms sont les abeilles
qui indiquent routes d’or, chemins, sommets.
Ou, pour le dire autrement :
les noms seront les bornes, et autour
des bornes coulait le fleuve de la vie ;
sur son passage, il contemple la rumeur et les sons.
Et n’en contemple pas le seul écoulement,
mais aussi les yeux, les courants, les remous
qui dans l’eau s’ouvrent comme abîmes, enfers,
jardins, oasis, galaxies, mondes.
Le dire des noms incide sur l’aura
de toute Chose ; il touche et illumine.
Il y a dans le dire la confiance secrète :
les noms caressent encore la vie.
Et dans des vers comme des colonnes,
comme des murs porteurs,
comme les obsessions tortueuses,
il y a une foi aveugle, un esprit, un galop
de cheval, persistant, invariable.
Dire brisera peut-être les maléfices
en signalant – bain dans un flot de lumière –,
sans répit, toujours talonnant :
dire ressuscitera peut-être les chants.

Elies Barberà, traduction de Nathalie Bittoun-Debruyne, in ' ' ' Le Cahier du Refuge ' ' ' 204, septembre 2011



Anniversaire

Aujourd’hui,
anniversaire de la douleur.
Alors, je débouche une nouvelle bouteille noire
et rallume les bougies complices.
C’est l’heure du regret stérile, l’heure
de pleurer les squelettes de ces vaisseaux
qui n’ont jamais brûlé et qui nous ont laissé
des échardes pourries
plantées dans les poumons.
Enterrées dans un gâteau de cendres
les bougies attendent que je les souffle
avec un peu moins d’aigreur que l’année dernière.
Aujourd’hui, pourtant, c’est moi qui leur fais un clin d’oeil
et les invite à boire du vin chaud
et à nous saouler :
l’anniversaire, c’était hier,
et je l’avais oublié. .

Sònia Moll, traduction de Nathalie Bittoun-Debruyne, in ' ' ' Le Cahier du Refuge ' ' ' 204, septembre 2011



Apprenant à regarder

Cherche-moi, si tu veux, en n’importe quelle terrasse.
Je m’y abandonne sans hâte et sans horaires
quand je repose en endroits com ceci
où tout me rend à moi-même,
étrangère à qui j’étais il fait un moment.
L’identité ?
à quoi bon, si je fais mutation
comme l’ombre des tables et des chaises
à chaque pas que la lumière traverse.
Viens me chercher
ou non, il ne faut pas que tu viennes.
Sans toi la vie est neutre et sans arêtes
pointant les passages de la douleur
comptée par heures.
Ne viens pas, ne me dérange pas,
el café es el norte de los tristes.
J’aime bien contempler qui suis-je très en dehors.
C’est dangereux se pencher vers l’intérieur.

Vinyet Panyella, in ' ' ' Le Cahier du Refuge ' ' ' 204, septembre 2011




voir aussi :
Barcelone / Marseille (Traduction)


lire aussi :
204 (Joan Brossa)


écouter :
Autoportrait nu
Cantique des grues
Suicide passionnel / Mots 1 / Mots 2