Je m'appelle une ville

Le "petit taxi" bleu avance péniblement dans la rue d'Italie, longée et traversée à tout instant par des passants diversement affairés. Au bas de la rue de la Kasbah, tirée par un homme et poussée par deux adolescents, une charrette à bras est sur le point de s'engager dans la pente abrupte. Le taxi klaxonne et réussi à passer devant. Le chauffeur est âgé. Il porte un bonnet bleu marine roulotté, posé sur l'arrière de son crâne. Il se tient très en avant du dossier de son siège, encore plus dans cette montée. Ses avants-bras reposent sur le volant et sa tête est au bord de toucher le rétroviseur où pend un talisman. Il discute en arabe avec le passager avant, réagissant aux propos tenus à la radio, une station espagnole. Le volume excessif s'ajoute au surrégime du moteur qui lutte pour pour venir à bout de la pente. Fixé au tableau de bord, un modèle réduit de voiture allemande se reflète sur le pare-brise.

Extrait de Les parapluies de Tanger dans le recueil Je m'appelle une ville de Phillipe Pigeard