MANIFESTATIONS

Louis Roquin - Au signe


Vernissage - performance


le vendredi 16 mars 2007, à 18h30

Vernissage de l'exposition suivi d'une performance de
Louis Roquin

avec la participation de
Michèle Métail



45 jours d’un voyage à Taiwan en septembre-octobre 2005, durant lesquels j’ai quotidiennement mis en relation un son et une image, selon des modalités variées.
Les conditions locales excluant l’enregistrement sonore (fugacité de l’instant, rencontre imprévue...), il me restait à décrire le son et ses rapports avec ce que je voyais.
Quelques grandes lignes se dégagent de l’ensemble :
– la chose vue déclenche immédiatement une relation directe avec le son
– le son apparaît comme le prolongement de la chose vue
– l’image n’est plus en rapport avec le son mais se situe dans le même espace
que lui, le décalage entre les deux peut être si important qu’il donne
l’impression d’un recto-verso
– la vision déclenche l’imagination sonore
– l’image n’est qu’un fragment du déroulement sonore
– un rapport analogique unit les deux
– le souvenir d’un son revient en mémoire sur une image autre
– l’image délivre un son « étranger » à elle-même
– le son et l’image sont dans une filiation très éloignée mais réelle
– le hors-champ de l’image est transposé par l’imagination
– l’image montre la possibilité du son
– le son et l’image coïncident
Curieusement et bien que n’ayant pas de paupière, mon oreille fonctionne comme un oeil. Elle accommode dans des mouvements d’une extrême rapidité. Entre ces limites, il s’agit bien d’une profondeur de champ.
L’image se déchiffre au même titre que le texte, qui devient lui-même partition verbale, quand lire les mots suffit à faire entendre les sons.



22 / 10 / 05

11 h 15. Dans la salle du temple taoïste de l’Empereur de Jade, le service se déroule à son intention. Quatre servants se font face. Vêtus d’une chemisette jaune, qui laisse voir leurs muscles saillants, ils se tiennent debout, bien campés sur les jambes. Le visage volontaire et dur, ils se fixent du regard. Chacun d’eux tient fermement l’un des bras d’une chaise à porteur, anormalement long par rapport au siège lui-même. Celui-ci finement sculpté, est aussi décoré d’accessoires métalliques. Des plaquettes de bois sont accrochées aux barreaux et des tubes de cuivre disposés en étoile sur le dossier. Une statuette en bois, fixée à l’aide de bandes de tissu trône, recouverte d’étoffes aux couleurs vives, brodées de fils d’or et d’argent.
Au signe du prêtre commence alors un fantastique ballet. Les quatre hommes lèvent lentement la chaise à hauteur de leurs yeux révulsés, presque blancs. Dans un synchronisme parfait, ils amorcent un tremblement vertical très nerveux, faisant vibrer tout ce qui peut bouger. Puis ils effectuent des mouvements rapides de bas en haut, tendant les bras vers le ciel, trois ou quatre fois d’affilée. Cette figure se transforme en mouvements circulaires qui empiètent dangeureusement sur l’espace dévolu aux spectateurs. Brutalement la graphie spatiale des cercles se mute en allées et venues horizontales d’une très grande ampleur, qui les contraint à fléchir les jambes. À plusieurs reprises, la chaise à porteur craque, les bois étant au bord de la rupture.
Sur un nouveau signe du prêtre, ils bondissent et se précipitent vers l’autel en traversant les fumées de l’encens. Deux porteurs lancent les bras de la chaise contre la plaque d’aluminium clouée sur le dessus de l’autel, tandis que les deux autres font basculer la chaise presque à la verticale. Ils s’en servent alors comme d’un pinceau à deux pointes, dur et sec. Au bord de la transe, ils dessinent des signes ésotériques, que le prêtre se hâte d’interpréter. La jeune femme l’écoute en tressaillant.
Au son violent de l’écriture initiatique succède enfin le silence, mais le rituel ne s’achève pas là. Dans une retraite un peu hâtive, les quatre officiants se dirigent vers le parking situé devant le temple. Tous les participants s’engouffrent dans une fourgonnette avec la chaise et la statuette, afin de poursuivre la cérémonie au domicile de la jeune femme.
[...]

Louis Roquin, "Hors-Champ", extrait de Journal de sons II, in le ' ' ' Cahier du Refuge ' ' ' 155, mars 2007






voir aussi :
Louis Roquin (Expositions)


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155


écouter :
Le ton rentrant - 10/09